Chanel : le Moyen Âge s’inscrit dans la mode

Auréolée de succès, Coco Chanel clamait dans les dernières années de sa vie : « La mode, c’est en avant, ce n’est pas en arrière. On ne recule pas ». Peut-être, Mademoiselle, mais le passé n’a-t-il pas été pour vous une inspiration ?

Gabrielle Chanel naît le 19 août 1883 à Saumur. Après la mort de sa mère, elle est abandonnée par son père à l’abbaye cistercienne d’Aubazine, à l’âge de douze ans.

La mode de Chanel restera teintée par ce qu’elle perçut enfant de cet orphelinat froid et austère, où elle vécut presque sept ans. L’abbaye romane, emprunte de pureté monacale, inspire à Gabrielle un goût pour le dépouillement et la simplicité. Au diable les froufrous et autres superficialités, place aux vêtements et aux accessoires épurés et libérateurs. Les vitraux aux ronds entrelacés donneront plus tard naissance au logo de la maison : les fameux deux « C » croisés. Le noir et le blanc, portés par les sœurs, resteront les couleurs fétiches de Chanel. Le noir ne sera plus réservé aux endeuillés et aux domestiques, mais deviendra la couleur de l’élégance, incarnée par la petite robe noire, tandis que le blanc des collerettes des religieuses et des robes de communion formera son pendant parfait, comme sous forme de perles. Le beige, contrepoids de ces deux extrêmes, rappellera à Mademoiselle la couleur naturelle des murs du couvent. Les étoiles, les croissants de lune, les soleils et les croix de Malte pareront ses créations. Elle avait pour habitude de les fouler chaque matin, comme figures du pavement de l’abbaye sur le chemin de la messe.

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Mais Chanel ne tire pas uniquement de l’art médiéval sa sobriété. Elle aime tout autant son caractère opposé, luxurieux et ostentatoire, qu’elle repère jeune fille sur les habits et les objets liturgiques du monde ecclésiastique. Elle se prend de passion pour l’or, le rouge et les pierreries, qu’elle retrouvera plus tard au fil de ses rencontres et de ses voyages. Boy Capel, l’amour de sa vie, lui fera découvrir l’Orient et l’ésotérisme. Elle découvrira la baroque Venise, où l’emblématique Lion de saint Marc fera écho à sa propre personnalité. Née sous le signe du Lion, Gabrielle en fait en effet son gardien : « Je suis Lion, et comme lui je sors mes griffes pour éviter qu’on me fasse mal », disait-elle. Le félin s’installe bientôt sur les boutons de ses tailleurs ainsi que sur les bijoux qu’elle façonne inlassablement, tels des enluminures.

S’il est une création Chanel qui combine à merveille sobriété et exubérance, les deux extrêmes façonnés par l’art médiéval, c’est bien le parfum N°5. La fragrance créée par Ernest Beaux, le parfumeur des tsars de Russie, en 1921, ne compte pas moins de quatre-vingts senteurs. Mais ces effluves toutes plus exotiques les unes que les autres sont scellées par les aldéhydes, composants de synthèse qui permettent de garder toutes les notes sur un pied d’égalité. Tout dénote et rien ne dénote à la fois. L’écrin du parfum n’est autre qu’un flacon de laboratoire. En choisissant le minimalisme, Chanel assure l’indémodable.

marilyn
Marilyn Monroe et le N°5 (détail), séance photo pour Modern Screen, 1953.

Alors, Mademoiselle, n’est-ce pas en jouant avec les contraires du passé que vous avez inventé la modernité ?

Manon Rondeau

Pour aller plus loin :

http://www.elle.fr/Personnalites/Coco-Chanel

http://inside.chanel.com/fr/the-vocabulary-of-fashion

http://www.fragrantica.com/perfume/Chanel/Chanel-N-5-608.html

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