Médusés par Versace

Né en 1946 à Reggio di Calabria, Gianni Versace présente sa première collection de mode en 1978. En une dizaine d’années, il se hisse au rang des plus grands créateurs de mode italiens, tels que Gucci, Armani ou Prada. Sa personnalité est aussi excentrique que son art. Il aime clamer qu’il se veut l’héritier des princes de la Renaissance, et donne la priorité au faste, au luxe, à l’excès, tout en inscrivant sa mode dans une inspiration antique gréco-romaine. Il entend ainsi faire entrer les femmes dans un monde où l’art était une expression privilégiée et poussée à son paroxysme.

               Il semble donc presque évident qu’il ait choisit la Méduse, célèbre figure de la mythologie grecque, pour emblème. Que nous disent précisément les sources ? Il s’agit d’un personnage que l’on retrouve d’abord chez Homère, puis chez Hésiode. Ce dernier nous raconte que Méduse était autrefois une jeune fille nommée Gorgo, qui eut l’insolence de comparer la beauté de sa chevelure à celle d’Athéna. Pour la punir, la déesse la transforma en un monstre hideux et la condamna à changer en pierre quiconque croiserait son regard. Et Gorgo devint la Gorgone, errant non loin du jardin des Hespérides. Un jour qu’elle était endormie, le héros Persée la décapita en se servant du bouclier d’Athéna comme d’un miroir. Il offrit ensuite la tête à Athéna, victorieuse, qui la plaça définitivement sur le bouclier.

                Au premier abord, le mythe ne donne pas une vision des plus flatteuses de la femme… Méduse est avant tout une créature effrayante : les Grecs la décrivent comme ailée, dotée d’une chevelure de serpents, de mains de bronze, d’un nez épaté, d’un cou recouvert d’écailles, d’une langue tirée et de défenses de sanglier. Mais Gianni Versace invite à voir plus loin. Étymologiquement, le mot « monstre » vient du latin « monstrare », qui signifie « montrer ». Outre l’aspect horrifiant de la Gorgone, l’artiste italien retient l’envoûtement qu’elle suscite. D’ailleurs, on remarque que la chevelure serpentine de Méduse a disparu sur le logo pour laisser place à une masse d’aspect floral, bien plus plaisante à l’œil. Qui plus est, la fleur représente par excellence l’attraction et le pouvoir de séduction. Le message est clair : la femme Versace a pour vocation première de s’exposer et, surtout, de pétrifier par son allure quiconque la croise. Elle inspire la jalousie, comme Méduse exaspéra Athéna, et fascine. Gianni Versace force la comparaison à outrance, n’hésitant pas à parer chacune de ses pièces de son logo, ainsi que d’autres célèbres motifs antiques, comme les grecques, et même à l’afficher dans sa propre maison.

                La marque s’adresse aux femmes qui n’ont donc pas peur d’affirmer leur extravagance et de choquer, quitte à laisser le contemplateur ébahi, pétrifié. Gianni Versace croit dur comme fer à la souveraineté de la mode, et use de différents agents provocateurs comme la soie, le cuir, la viscose, le drapé ou encore l’imprimé. Si bien qu’en 1997, le journal Libération n’hésitera pas à déclarer que sa mode se destine à la « pétasse italienne ». Plus largement, on parle de Gianni Versace comme le maître de la moda puttana, un rôle qu’il assumera jusqu’à sa mort, particulièrement violente. En effet, le créateur est assassiné le 15 juillet 1997 par un jeune homosexuel à la dérive, de deux balles dans le crâne. Néanmoins, son influence est restée telle que de nombreuses divas arborent encore fièrement ses créations, comme Madonna ou Beyoncé.

Alors, médusés ou laissés de marbre ? Pour plus de mode italienne, jetez un œil à notre article consacré à Dolce & Gabbana !

Manon Rondeau

Pour aller plus loin :

http://www.icon-icon.com/fr/la-meduse-versace.html

https://twitter.com/versace

http://mythologica.fr/grec/gorgone.htm

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